Les obligations légales des entreprises en matière de formation professionnelle continue

La formation professionnelle continue représente un enjeu majeur pour les entreprises françaises. Face à l’évolution rapide des métiers et des compétences, les employeurs ont la responsabilité de maintenir l’employabilité de leurs salariés. Le cadre juridique impose des obligations précises en la matière, avec des dispositifs spécifiques et des financements dédiés. Cet encadrement vise à garantir l’accès à la formation tout au long de la vie professionnelle. Examinons en détail les contours de ces obligations et leurs implications concrètes pour les entreprises.

Le cadre légal de la formation professionnelle continue

Le droit à la formation professionnelle continue est inscrit dans le Code du travail. Il découle de l’obligation générale de l’employeur d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi. La loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a profondément réformé ce cadre légal.

Les principaux textes qui régissent la formation professionnelle sont :

  • Les articles L6311-1 et suivants du Code du travail
  • La loi n°2018-771 du 5 septembre 2018
  • Les décrets d’application associés

Ces dispositions définissent les obligations des employeurs en matière de formation, les droits des salariés, ainsi que les modalités de financement du système. Elles s’appliquent à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille ou leur secteur d’activité.

L’une des principales obligations est la contribution financière obligatoire à la formation professionnelle. Son montant varie selon l’effectif de l’entreprise :

  • 0,55% de la masse salariale brute pour les entreprises de moins de 11 salariés
  • 1% pour les entreprises de 11 salariés et plus

Cette contribution est versée à un opérateur de compétences (OPCO) agréé par l’État. Elle permet de financer différents dispositifs de formation, dont le plan de développement des compétences de l’entreprise.

Au-delà de cet aspect financier, l’employeur a une obligation générale de former ses salariés. Il doit notamment :

  • Assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail
  • Veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi
  • Proposer des formations qui participent au développement des compétences

Le non-respect de ces obligations peut être sanctionné, notamment en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle si l’employeur n’a pas rempli son devoir de formation.

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Les dispositifs de formation à la disposition des entreprises

Pour répondre à leurs obligations, les entreprises disposent de plusieurs dispositifs de formation. Le principal est le plan de développement des compétences, qui remplace l’ancien plan de formation. Il regroupe l’ensemble des actions de formation mises en place par l’employeur pour ses salariés.

Le plan de développement des compétences peut inclure :

  • Des actions d’adaptation au poste de travail
  • Des actions liées à l’évolution des emplois
  • Des actions de développement des compétences

Ces formations peuvent se dérouler pendant ou hors du temps de travail, selon leur nature et les accords d’entreprise en vigueur.

Un autre dispositif majeur est le Compte Personnel de Formation (CPF). Bien qu’il soit à l’initiative du salarié, l’entreprise peut l’abonder ou proposer des formations éligibles au CPF. Cela permet de combiner les efforts de formation de l’employeur et du salarié.

L’alternance est également un levier important, avec deux contrats principaux :

  • Le contrat d’apprentissage
  • Le contrat de professionnalisation

Ces contrats permettent de former de nouveaux collaborateurs tout en bénéficiant d’aides financières et d’exonérations de charges.

Enfin, la Pro-A (reconversion ou promotion par alternance) permet aux salariés en CDI de se former pour évoluer ou se reconvertir, tout en restant dans l’entreprise.

Pour mettre en œuvre ces dispositifs, l’entreprise peut faire appel à des organismes de formation externes ou développer ses propres formations en interne. Dans tous les cas, elle doit veiller à la qualité des formations proposées et à leur adéquation avec les besoins des salariés et de l’entreprise.

L’entretien professionnel : un outil clé pour la gestion des compétences

L’entretien professionnel est un élément central du dispositif de formation continue. Instauré par la loi du 5 mars 2014, il est obligatoire pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. Cet entretien doit être réalisé tous les deux ans pour chaque salarié, et fait l’objet d’un bilan approfondi tous les six ans.

L’objectif de l’entretien professionnel est double :

  • Pour le salarié : faire le point sur son parcours professionnel et ses perspectives d’évolution
  • Pour l’employeur : identifier les besoins en formation et accompagner le développement professionnel des collaborateurs

Lors de cet entretien, plusieurs points doivent être abordés :

  • Le parcours professionnel du salarié
  • Les formations suivies
  • Les souhaits d’évolution ou de mobilité
  • Les compétences développées et celles à acquérir

L’entretien professionnel ne doit pas être confondu avec l’entretien annuel d’évaluation. Il ne porte pas sur la performance du salarié, mais sur son évolution professionnelle.

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Le bilan à six ans est particulièrement important. L’employeur doit vérifier que le salarié a bénéficié, au cours des six dernières années, des entretiens professionnels obligatoires et d’au moins une action de formation non obligatoire.

Pour les entreprises d’au moins 50 salariés, si ces conditions ne sont pas remplies, le salarié bénéficie d’un abondement correctif de son CPF de 3000 euros. Cette sanction financière incite les entreprises à respecter leurs obligations en matière de formation et d’accompagnement des parcours professionnels.

La mise en place systématique des entretiens professionnels permet à l’entreprise de :

  • Anticiper les besoins en compétences
  • Adapter son plan de développement des compétences
  • Favoriser la mobilité interne
  • Prévenir l’obsolescence des compétences

C’est donc un outil stratégique pour la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) de l’entreprise.

Le rôle des représentants du personnel dans la formation

Les représentants du personnel jouent un rôle significatif dans la mise en œuvre de la politique de formation de l’entreprise. Leur implication est encadrée par le Code du travail et varie selon la taille de l’entreprise.

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le Comité Social et Économique (CSE) doit être consulté sur :

  • Les orientations stratégiques de l’entreprise et leurs conséquences sur l’emploi et les compétences
  • La politique sociale de l’entreprise, dont la formation professionnelle
  • Le plan de développement des compétences

Le CSE peut également proposer des actions de formation dans le cadre de ses attributions. Il dispose pour cela d’un budget de fonctionnement qui peut être utilisé pour financer des études ou des expertises sur les besoins en formation.

Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, une commission formation est créée au sein du CSE. Elle prépare les délibérations du comité sur les orientations et le plan de formation.

Les représentants du personnel ont accès à plusieurs informations relatives à la formation :

  • Le bilan des actions de formation de l’année précédente
  • Le projet de plan pour l’année à venir
  • Les conditions de mise en œuvre des contrats et périodes de professionnalisation
  • Le bilan des entretiens professionnels

Leur rôle est de s’assurer que la politique de formation de l’entreprise répond aux besoins des salariés et contribue à leur évolution professionnelle. Ils peuvent alerter la direction sur des manquements ou proposer des améliorations.

Dans certaines entreprises, des accords collectifs peuvent prévoir des dispositions plus favorables en matière de formation. Ces accords peuvent par exemple :

  • Augmenter le budget formation
  • Définir des priorités de formation par catégorie professionnelle
  • Mettre en place des dispositifs spécifiques pour certains publics (seniors, salariés peu qualifiés, etc.)
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Les représentants du personnel sont alors impliqués dans la négociation et le suivi de ces accords.

Leur action contribue à faire de la formation un véritable outil de dialogue social et de développement de l’entreprise.

Vers une stratégie de formation continue performante

Au-delà du simple respect des obligations légales, les entreprises ont tout intérêt à développer une véritable stratégie de formation continue. Celle-ci doit s’inscrire dans la stratégie globale de l’entreprise et répondre à plusieurs objectifs :

  • Adapter les compétences aux évolutions du marché et des technologies
  • Améliorer la performance et la productivité
  • Fidéliser les talents et attirer de nouveaux profils
  • Favoriser l’innovation et la créativité
  • Préparer les évolutions de carrière et la mobilité interne

Pour élaborer cette stratégie, plusieurs étapes sont nécessaires :

  1. L’analyse des besoins : elle doit prendre en compte les objectifs de l’entreprise, les évolutions du secteur, les attentes des salariés et les compétences à développer.
  2. La définition des priorités : tous les besoins ne pouvant être satisfaits immédiatement, il faut hiérarchiser les actions de formation.
  3. Le choix des modalités de formation : présentiel, e-learning, blended learning, formation en situation de travail, etc.
  4. L’élaboration du plan de développement des compétences : il doit être cohérent avec les priorités définies et le budget disponible.
  5. La mise en œuvre des actions de formation : elle nécessite une bonne communication interne et un accompagnement des salariés.
  6. L’évaluation des résultats : pour mesurer l’efficacité des formations et ajuster la stratégie si nécessaire.

Une stratégie de formation performante s’appuie également sur l’innovation pédagogique. Les nouvelles technologies offrent de nombreuses possibilités :

  • La réalité virtuelle ou augmentée pour des mises en situation
  • Les serious games pour rendre l’apprentissage plus ludique
  • Les applications mobiles pour une formation en continu
  • L’intelligence artificielle pour personnaliser les parcours de formation

L’entreprise peut aussi encourager l’apprentissage informel, par exemple en mettant en place :

  • Des communautés de pratiques
  • Du mentorat ou du tutorat
  • Des espaces de partage de connaissances

Enfin, la formation ne doit pas être vue comme une fin en soi, mais comme un moyen de développer les compétences et de les mettre en pratique. L’entreprise doit donc veiller à créer des opportunités pour que les salariés puissent appliquer leurs nouvelles compétences dans leur travail quotidien.

En adoptant une approche stratégique de la formation continue, l’entreprise transforme une obligation légale en un véritable levier de performance et de développement. Elle renforce ainsi sa compétitivité tout en contribuant à l’épanouissement professionnel de ses collaborateurs.